Loïs Frederick | Biographie
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Jean Baudrillard parle de l’Amérique. Les œuvres de Loïs Frederick sont empreintes de cette Amérique-là, fondamentale et essentielle pour comprendre l’époque. De Nebraska où elle est née, elle conserve les images de plaines immenses qui conduisent aux montagnes Rocheuses. Latitude Rome. Altitude 900 mètres. Le soleil, la lumière, quelle que soit la saison, sont au rendez-vous. Climat de contrastes…
En 1950, Loïs Frederick rencontre Rotko, un tableau de 1948. « l’m not interested in color, it’s light l’m after » disait-il. La leçon est retenue. L’inconsciente présence des espaces, la volonté de saisir la lumière, la capter, en transcrire aussi bien les nuances que les mécanismes sont la base autant que la finalité d’une œuvre forte et structurée.
Aucune ambiguïté n’est possible. Loïs Frederick se déplace dans cette unique obsession, avec des formes répétitives pour l’exprimer. Des masses assez régulières se superposent, se frôlent, se heurtent, emplissent plus ou moins la toile, absorbent et reflètent la lumière.
La peinture, les formes interviennent tel le verre du vitrail. La lumière traverse la matière, bute sur le blanc de la toile qui la renvoie à nouveau. La texture de l’œuvre tient à ce complexe transit où la lumière réelle joue à travers la luminosité exprimée. Cette combinaison suscite les vibrations constantes et denses qui animent une recherche rigoureuse, dépouillée. « Un jour, c’était en janvier, tout était gris, il y avait du brouillard, un employé municipal portait un de ces panneaux rouges fluorescents qui signalent des travaux. Ce fut magique. » La fluorescence devient alors une composante habituelle du travail de Loïs Frederick. Si l’on excepte une, palette naturaliste vert, marron, gris, quand elle arrive à Paris en 1953 – climat de l’époque – ce sont les rouges, les jaunes, les ocres qui toujours caractérisent la toile. L’acrylique et le fluorescent permettent également des verts, bleus, roses et jaunes excessifs voire agressifs. Le passage de l’huile à l’acrylique facilite les transparences, le jeu de la lumière en est amélioré, les ondulations accélérées.

FREDERICK_1979_Bio

L’équilibre des masses, leur organisation laissent peu de marge à l’improvisation. Loïs Frederick pratique le dessin, la gouache ; ils peuvent servir de réflexion pour un travail d’une plus grande ampleur qui s’exprime souvent dans de très grands formats. Réminiscence de l’espace. Chaque forme est une structure qui tient un rôle unique non interchangeable, dont l’enchaînement intervient au rythme des évolutions musicales… La gestuelle directe presque instinctive n’est pas totalement exclue. Elle reste maîtrisée. Loïs Frederick utilise des brosses. Elles accroissent la fluidité, augmentent la présence des interstices, multiplient encore les errances de la lumière. Cette œuvre – ce n’est pas le moindre paradoxe – vibre d’une spiritualité froide, abstraite. Rien ne racole, aucune aisance n’intervient. Ces rubans inégaux aux épaisseurs variables, mêlés avec fragilité et brutalité, génèrent du seul fait de la lumière irradiante et retenue, la trouble impression d’un vide habité. L’extrême légèreté des couleurs, leur violence aussi accroissent l’idée étrange d’une apesanteur palpable. Les plages immenses et colorées, peu nombreuses, qui occupent l’espace de la toile, sont significatives d’une réflexion sur des couleurs étrangères à la lumière. Le peintre américain Paul Jenkins n’intervient que sur les couleurs de diffraction.

Loïs Frederick, elle, complexe le phénomène en y ajoutant d’autres dérivés. L’ocre par exemple. Un rapport différent apparaît. L’artiste tente de manipuler les potentialités de la lumière, celles de la luminosité. Son imaginaire spécifique se manifeste là. L’adjonction d’éléments inhabituels par rapport à la décomposition naturelle de la lumière ajoute à l’apparente distanciation prise face au sujet.
Pudeur ou réserve, humour ou crainte… La lumière dit la vie autant que les interrogations de la vie. Loïs Frederick pose un regard lucide et fort sur ces questions. Son œuvre, avec une émotion contenue, la répétition de formes jamais neutres, nous livre ses propres doutes…
Les forces mises en œuvre sont celles habituelles de la création abstraite. La particularité du traitement, le rapport à l’instantanéité du geste « une toile peut mettre plusieurs années avant d’être terminée », la conception des formes et de la structure, éloigne Loïs Frederick de l’abstraction lyrique sans que, pour autant, elle ne bascule dans la froide écriture géométrique… Là se situe son originalité, son art est d’abord américain, ses compagnons de voyage – consciemment ou non – d’outre-Atlantique.
Michel Faucher, 1987

Biographie

Née aux États-Unis en 1930.
De 1948 à 1953 : études de peinture, d’histoire de l’art et de lettres, University of Nebraska et Kansas City Art lnstitute.
1953-1954 : reçoit le Fulbright Award pour l’étude de la peinture à Paris.
1954-1955 : Fulbright renouvelé.

Expositions

LOISFREDERICK_BioPortret

1953 : Artists West of the Mississipi, Denver Art Museum.
1954 : Mid-America Exhibition, W.R. Nelson Museum, Kansas City.
Salon de la Jeune Peinture, Paris.
1955 : Salon des Réalités nouvelles, Paris.
1956 : Peintres abstraits américains de Paris, Galerie Arnaud, Paris, exposition itinérante, musées allemands.
1959 : Collection Gildas Fardel, Musée de Nantes.
1963 : L’École de Paris, Galerie Charpentier, Paris.
1978 : Le Geste Intérieur, M.J.C. de Belleville.
1982-1983 : Tendances de la Peinture abstraite en France, divers centres culturels.
1984 : Exposition personnelle, Galerie suisse de Paris.
La Part des Femmes dans l’Art contemporain, Galerie municipale, Vitry-sur-Seine.
Festival d’Art contemporain, Sisteron.
1985 : Rétrospective, Fondation du Grand-Cachot-de-Vent, Suisse.
Les Années 50, Musée de l’Art contemporain, Dunkerque, Musée de Tours, centres culturels de Saint-Nazaire, Châteauroux.
Maîtres des Années 50, Galerie Bellecourt, Lyon.
Collection Cavalero, Musée Ingres, Montauban.
De 1955 à 1986, participe aux Salons des Réalités nouvelles, Grands et Jeunes, d‘Automne, de Mai, etc.

Collections publiques:

University of Nebraska, États-Unis ; Denver Art Museum, U.S.A. ; W.R. Neison Museum, Kansas City, Mo., Etats-Unis ; Musée de Nantes, France ; Centre national d’Art contemporain, Paris, France ; Fondation du Grand-Cachot-de-Vent, Suisse ; Musée des Beaux-Arts, Neuchâtel, Suisse.